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Abigail Assor / ©Francesca Mantovani pour les Editions Gallimard

Cette semaine, le Journal d’Albion vous propose d’entrer dans les carnets d’Abigail Assor. Primo-romancière, elle vient de publier son premier roman, Aussi riche que le roi, aux éditions Gallimard. Elle a 3 carnets, un rapport très intérieur à l’écriture, et une passion pour Alessandro Baricco. Entretien.

Quel est ton rapport aux carnets et à l’écriture manuscrite ?

J’ai trois carnets dans ma vie, qui m’accompagnent toujours. Dans le premier, j’écris une phrase par jour. Je le tiens depuis trois ans. C’est un carnet qui s’appelle « One line a Day – A five-year memory book ». Sur chaque page, il y a une date, et une ligne pour chaque année pendant cinq ans. Je peux donc constater ce que j’ai écrit chaque jour et chaque année. Je le tiens très religieusement. C’est très intéressant de voir l’évolution, les soucis que j’avais il y a trois ans qui n’existent plus, et de constater les permanences, ce qui ne change jamais. J’ai aussi un carnet d’organisation, dans lequel je note mes objectifs, mon emploi du temps, tout ce qui concerne ma semaine. Et le dernier est un journal d’écriture. Quand j’ai des moments de blocages, j’écris de manière assez spontanée dedans : où j’en suis, ce qui me bloque, où je veux aller… C’est aussi intéressant de le relire, pour constater qu’un blocage se débloque toujours. J’ai l’impression que je ne les surmonterai jamais. Et quand je relis mon journal d’écriture, je vois bien que des problèmes qui me paraissaient des montagnes au moment de la construction d’une fiction ont finalement trouvé une résolution. 

En revanche, tu n’as pas de carnet pour écrire tes romans, tu les écris directement sur ordinateur ? 

Oui, j’écris directement sur l’ordinateur. Quand je tiens mon journal d’écriture, je peux avoir des fulgurances, des idées, mais la création ne se fait pas à la main. J’ai un rapport à l’écriture très laborieux. Je réécris beaucoup, ce n’est jamais un jaillissement. J’écris une phrase, et je retravaille, ce qui prend beaucoup de temps. Si je me mettais à écrire de manière manuscrite, je ne ferais que raturer en permanence. 

Je trouve très intéressant de tenir un journal d’écriture. Que t’apporte-t-il au quotidien ? 

Il me sert beaucoup pour l’écriture. C’est une aventure intérieure très particulière. J’ai toujours l’impression que je vis avec une histoire en moi. Je me lève le matin avec elle, sans pouvoir en parler. C’est tellement vaste. Ce journal d’écriture m’aide, comme si j’avais une conversation sur mes personnages, ce qu’ils créent en moi comme émotions. Ça me permet d’avoir un échange par rapport à ce processus d’écriture. Un échange que je ne pourrais pas avoir dans la vie. Les moments de découragement, que je note, m’aident aussi dans la progression. Quand je relis ce journal, je me convaincs de ne pas abandonner, puisque tous les blocages se sont débloqués à un moment ou à un autre. Cela donne beaucoup de courage. 

Les carnets d'Abigail Assor / ©Abigail Assor
Les carnets d’Abigail Assor / ©Abigail Assor
Comment es-tu venue à l’écriture ?

Bonne question. Je n’ai pas envie de dire que j’ai toujours écrit, parce que ce n’est pas le cas. Mais, en moi, ça a toujours écrit. Enfant, j’étais très prolixe, j’écrivais des poèmes, des chansons, des histoires. J’ai arrêté quand j’ai commencé mes études de lettres. Les auteurs étudiés étaient un peu écrasants. Mais la musique intérieure était toujours là. J’ai eu un déclic après mes études. J’avais lu beaucoup de littérature classique, mais pas du tout de littérature contemporaine. J’étais vraiment rat de bibliothèque. Et un jour, on m’a offert un livre d’Alessandro Baricco, dont je n’avais jamais entendu parler. En le lisant, je me suis dit que c’était fou d’être aussi contemporain et exigeant, et d’avoir un rapport à l’écriture aussi joyeux. Il sait comment construire une histoire, il sort du cadre, revient, il y a quelque chose de presque élastique dans sa manière d’aborder l’écriture. Il est très joueur. Voir ce plaisir-là dans les mots d’un auteur contemporain m’a donné envie de le faire aussi. Ça a eu un impact. Je me suis mise à écrire sans raison, et je n’ai plus arrêté. 

As-tu des rituels d’écriture ? 

Quand je travaille, j’écris le soir ou le matin très tôt. Il y a beaucoup plus d’urgence dans l’écriture. En ce moment, j’ai un emploi du temps plus libre, j’ai beaucoup de temps pour écrire, mais je trouve ça presque plus difficile… Alors, je me fixe une règle : trois heures. Après la troisième heure, je n’ai plus le droit d’écrire, ce qui me met dans un état d’urgence. Si je n’ai pas fini la phrase, tant pis pour moi. Ce qui m’aide aussi, c’est de commencer ma journée d’écriture en sachant ce que je vais écrire. Je pense tout le temps à ce que je vais écrire le lendemain, afin de commencer mes trois heures en étant uniquement dans la production. Ce sont les règles que je m’impose, même si je ne les suis pas toujours…

Dans ces trois heures, tu te fixes un nombre de mots ou de signes ?

J’ai eu des moments où je me fixais une page par jour. En ce moment, ce n’est pas le cas, parce que j’ai besoin de beaucoup de recherche. L’écriture est plus laborieuse, car je dois être précise par rapport à une réalité historique. Je n’écris donc pas forcément une page en ce moment, mais je m’y remettrai. 

Aussi riche que le roi est ton premier roman, aurais-tu des conseils à donner aux jeunes auteurs qui se lancent aujourd’hui dans l’écriture ?

Ce n’est pas un conseil très agréable. Quand tu n’es pas sûr à 100 % de la qualité de ton travail, quand il y a quelque chose qui te dérange, efface et réécris. Ce n’est pas facile. Parfois, j’ai écrit des pages que je trouvais belles, pour lesquelles j’avais passé du temps, mais qui n’étaient pas idéales pour l’histoire. Je n’ai pas envie de me séparer de ces pages, mais elles ne fonctionnent pas ou plus. À chaque fois, c’est très efficace. Je les efface, et le roman est meilleur. Le roman doit atteindre un absolu. Si on tente de garder ces pages, qu’on aime bien, mais dont on n’est pas sûr, on va passer plus de temps à raccrocher les wagons, plutôt qu’écrire ce qu’il faut. C’est mon meilleur conseil. 

Quel est ton dernier coup de cœur littéraire ?

Les Saisons de Maurice Pons. Je me suis dit qu’on était vraiment au cœur de l’écriture. C’est d’une précision… La manière d’écrire est idéale. Le lire m’a redonné une énergie d’écriture, de but à atteindre et d’absolu, qu’a trouvé Maurice Pons.

Actualité d’Abigail Assor :
  • Aussi riche que le roi, premier roman aux éditions Gallimard
Conseil de lectures d’Abigail Assor :

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