Écrire un roman en 2023

Écrire un roman en 2023, bonne ou mauvaise idée ? Milan Kundera, déjà en 1986, dans L’Art du roman, explique que « si le roman doit vraiment disparaître, ce n’est pas qu’il soit au bout de ses forces, mais c’est qu’il se trouve dans un monde qui n’est plus le sien ». Nous sommes dans un monde de l’instantané, où les réseaux sociaux ont provoqué une demande et un besoin de tout avoir tout de suite, où ni les adultes ni les enfants ne savent plus s’ennuyer, et où le temps du roman (long de plusieurs centaines de pages, qui plus est) n’a plus sa place. Milan Kundera ajoute un peu plus loin que « le roman n’est plus œuvre (chose destinée à durer, à joindre le passé à l’avenir), mais événement d’actualité comme d’autres événements, un geste sans lendemain ». Le livre doit trouver son public au moment de sa sortie, sinon il disparaît et son auteur avec.

Les libraires le savent. Au bout de trois mois, si un livre ne s’est pas vendu, retour à l’envoyeur. Le roman est donc devenu un objet de consommation, paradoxalement hors de son temps. Les gens lisent majoritairement pour se distraire. Combien de lecteurs  lisent pour s’interroger sur le monde ? Sur la politique ? Sur la société ? Y a-t-il encore des romans qui répondent à cette définition de l’écrivain Javier Cercas : « La littérature, et le roman en particulier, ne doit rien proposer, ne doit pas transmettre des certitudes, donner des réponses ou prescrire des solutions. Elle doit, au contraire, formuler des questions, véhiculer des doutes et présenter des problèmes et, plus complexes sont les questions, plus angoissants les doutes et plus ardus et insolubles les problèmes, mieux c’est. La littérature authentique ne rassure pas, elle inquiète ; elle ne simplifie pas la réalité, elle la complique. Les vérités de la littérature, surtout celle du roman, ne sont jamais claires, précises et manifestes, mais ambiguës, contradictoires, polyédriques fondamentalement ironiques. » Trouve-t-on encore des romans qui ne simplifient pas la réalité ? La réponse est oui, évidemment. À nous d’aller les dénicher.

Référence : L’Art du roman de Milan Kundera, Folio

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