Cette semaine, le Journal d’Albion vous propose d’entrer dans les carnets d’Alexandra Koszelyk. Écrivaine, elle a accepté de se replonger pour nous dans ses nombreux carnets. Son dernier roman La dixième muse est paru aux éditions Aux forges de Vulcain. Entretien.
Combien as-tu de carnets ?
J’ai quatorze carnets. Deux grands format « cahier d’écolier », mais les autres se glissent dans une poche. Je ne pensais pas en avoir autant. Répondre à tes questions m’a permis de les sortir de nouveau, d’en feuilleter certains, de replonger dans des idées inexploitées, de faire jaillir par la grâce d’une nouvelle lecture des souvenirs liés à leur écriture. Cette semaine, j’ai même redécouvert un très vieux carnet, le premier : il doit dater de 2007 / 2008. A l’intérieur, un embryon de texte dont l’héroïne s’appelle Léna. J’avais complètement oublié l’avoir écrit. Il faut croire que 9 ans après ce prénom est revenu me titiller.
Les emmènes-tu partout avec toi ?
J’ai toujours un carnet sur moi, il me permet de consigner des idées, d’écrire des fulgurances, de faire avancer un roman. La création ne vient pas quand je me mets devant mon ordinateur : quand je suis dans le processus d’écriture, tout peut faire sens, il y a une certaine porosité aux choses. Avoir un carnet est donc indispensable, même si l’idée notée n’est pas forcément utilisée, elle peut en engendrer une autre, ou faire sens plus tard, dans un autre roman. Rien n’est jamais perdu. Au pire, il y aura toujours eu le plaisir de prendre un stylo et de tracer des lettres sur un joli papier.
Qu’aimes-tu dans ce rapport l’écriture manuscrite ?
Le souffle qu’elle contient. L’écriture manuscrite met en branle des parties du cerveau qui ne sont pas les mêmes que celle sur un ordinateur. Taper sur des touches et tracer des lettres sont deux activités différentes. En revanche, je ne me verrais pas écrire un livre entier au crayon : je reviens constamment sur ce que j’ai écrit, je change des mots, leur ordre, la ponctuation, j’intercale des paragraphes entiers entre le premier jet et le final. Mes brouillons deviendraient vite illisibles.
Comment es-tu venue à l’écriture ?
D’un besoin, d’une faille. L’écriture fut au départ une réparation. Puis très rapidement, j’ai préféré explorer des mondes imaginaires, m’ouvrir à eux : une nouvelle façon de panser ses blessures originelles en y ajoutant de la distance.
Peux-tu nous parler de ton dernier roman La dixième muse, qui vient de paraître aux éditions Aux forges de Vulcain ?
C’est le roman d’une rencontre, de celle qui change la trajectoire d’une vie, c’est celle de Florent qui découvre Apollinaire, d’Apollinaire qui rencontre à Stavelot une muse oubliée, et pourtant indispensable aux êtres vivants. Comme l’a écrit mon éditeur sur la 4e : il me plaisait de revenir à ce qui fait la magie du monde, sans doute par opposition à ses violences.
Enfin, quel est ton livre de chevet, ou le livre qui t’a donné envie d’écrire ?
Je n’ai pas qu’un livre de chevet, mais plutôt des centaines. Mes livres sont mes albums photos : quand j’en ouvre un, je sais quand je l’ai lu, ce que j’ai ressenti, aimé : je les feuillette pour permettre aux souvenirs de revenir à la surface. Je suis sensible à la musicalité d’une phrase, sans doute parce que j’ai toujours baigné dans la musique. Mes dix ans de solfège ont sans doute forgé mon cerveau. Mais si je devais en citer certains, je dirais Yourcenar, Saint-Exupéry, Giono. Ils me nourrissent quand j’écris.
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