Pour commencer ce mois de mars, on entre dans les carnets du dessinateur Florent Chavouet. Passionné par l’Asie, et plus particulièrement le Japon, il nous ouvre ses carnets, ses techniques de travail durant ses voyages, et son utilisation passionnante des petits carnets. Entre croquis, prise de notes, écriture de haïku et communication grâce aux dessins avec la population locale. Entretien.
Quelle est l’importance de vos carnets dans votre travail de dessinateur ?
J’ai plusieurs carnets pour différents usages. Il y a mes carnets sur lesquels je fais mes dessins définitifs, que je scanne et qui apparaissent dans mes livres. Ceux-là, je les emmène avec moi. Au début, je dessinais tout sur place. Pour Tokyo Sanpo, j’ai tout dessiné dans la rue, en face des sujets que je représentais. Petit à petit, au fur et à mesure de mes livres, pour des raisons de temps, j’ai moins dessiné sur place. Pour mon premier livre, j’avais six mois à ne rien faire d’autre que dessiner à Tokyo. C’était l’idéal. Après, j’ai fait des voyages plus mouvementés et plus courts. Désormais, la plupart du temps, je dessine la moitié là-bas, et l’autre moitié en France, d’après photographies, notes ou croquis. J’utilise des carnets japonais en format B5, un peu hybrides. On en trouve beaucoup au Japon. Le papier convient à toutes les techniques. Il est assez lisse, ressemble à du bristol, mais se comporte beaucoup mieux avec les techniques humides comme l’encre. Il est très polyvalent. En plus, j’utilise des petits carnets pour prendre des notes et faire des croquis rapides. Pour mes derniers voyages, et le livre Touiller le miso, j’utilisais des carnets format passeport. Ils sont souples, peu épais, tiennent dans la poche arrière. Je peux dégainer rapidement, l’utiliser dans les transports. J’écrivais dessus aussi mes haïkus, et les utilisais pour communiquer. Je parle mal le japonais. Ce petit carnet m’a beaucoup servi comme médium entre mon interlocuteur et moi. Quand je ne sais pas exprimer quelque chose, je le dessine, presque en rébus ou en logo, et mon interlocuteur dessine en retour. Tout le monde a des bases de dessin, donc ça m’a été très utile, et c’est rigolo d’obliger quelqu’un à dessiner. Par exemple, pour mon deuxième livre, je cherchais à comprendre comment un pêcheur de crevettes disposait son filet dans la mer. Je savais dire « filet », « bateau », mais impossible de m’expliquer. J’ai donc dessiné son bateau, la mer et différentes versions de filets avec un point d’interrogation. Il a très bien compris ce que je cherchais. Il a pris mon carnet, a dessiné son bateau et la disposition de son filet dans l’eau.
Ce petit carnet est vraiment un compagnon.
Oui, totalement.
Vous voyagez beaucoup, est-ce essentiellement pour le dessin ?
Pas forcément pour faire des livres, mais j’ai un petit tropisme Asie. Je vais surtout au Japon, un peu en Corée et à Taïwan. Cela ne produit pas un livre à chaque fois, et ce n’est pas toujours le but. J’ai aussi voyagé avec des amis, durant un mois ou deux. Pour mon premier livre sorti en 2009, j’avais voyagé 6 mois à Tokyo trois ans plus tôt. Je suivais ma copine de l’époque, et j’avais du temps pour dessiner. En revanche, pour mon deuxième livre, Manabé Shima, j’avais vraiment un objectif de livre. J’en avais parlé à mon éditeur, qui était d’accord.
Quand vous ne voyagez pas, avez-vous des rituels d’écriture ou de dessin ?
Je ne fais pas trop de croquis en France. C’est un peu dommage, mais j’ai l’œil moins aiguisé. Je suis peut-être un peu trop français… Pour l’instant, je suis plus émoustillé par l’étranger. En France, j’ai un atelier, j’utilise toujours les mêmes carnets B5, que je m’envoie du Japon quand j’y suis.
Comment êtes-vous venu au haïku ? C’est amusant cette intégration dans vos dessins.
Alors, c’est inhérent à la physionomie de mes deux derniers voyages. Mon dernier livre, Touiller le miso, ramasse mes deux derniers voyages au Japon en automne 2018 et printemps 2019. Deux voyages d’un mois et très bordéliques. J’étais invité par un japonais assez désorganisé. C’était un voyage très riche, mais sans cohérence. Au départ, j’avais une idée de livre sur le saké, mais j’ai vite compris que ce serait compliqué. En revanche, les haïkus sont arrivés très vite. Je voulais tenir informé mon compte Instagram de mon voyage. Je n’avais jamais fait ça, et je me suis dit que j’allais tenir un journal du processus de fabrication d’un livre. Le haïku quotidien avec un dessin m’a paru plus sympa et énigmatique, que simplement raconter mes journées. J’y suis arrivé, je m’y suis tenu. Je postais donc ça tous les jours sur Instagram. Ça plaisait bien, et je l’ai proposé à mon éditeur, à qui ça a plu.
Enfin, pour terminer pouvez-vous nous dire ce qui vous a amené au dessin ?
Comme tous les enfants, j’ai l’envie de dessiner depuis tout petit. J’ai toujours su que l’idéal serait de vivre de mon dessin. J’adorais le magazine de La Hulotte, qui continue toujours. C’est sur les animaux, la nature, avec des dessins très particuliers et très beaux. Ça m’a toujours impressionné. Ce sont des dessins très réalistes et graphiques avec beaucoup de personnalité. D’ailleurs, je suis toujours abonné. C’est vraiment l’un de mes premiers souvenirs de dessin.
Actualités de Florent Chavouet :
- Touiller le miso, paru aux éditions Picquier
- Vous pouvez le retrouver sur son compte Instagram
- Et sur son blog personnel