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Le milieu social déterminait à une époque la légitimité d’écrire ou non. Des écrivains comme Annie Ernaux ou Didier Eribon ont écrit sur le fait transcender sa classe sociale pour s’autoriser à écrire. Lorsque l’écrivain vient d’un milieu social peu aisé, il lui faut redoubler de courage et de pugnacité pour y croire. L’écriture supposerait une absence de charge mentale concernant le quotidien, les capacités financières, les éventuels enfants, et tout ce qui a trait à la vie quotidienne. Dans l’inconscient collectif, écrire demande d’avoir l’esprit libre pour penser à autre chose qu’à la vie de tous les jours.

Avoir le culot d’oser écrire

Lionel Duroy dit qu’il se considère comme une sorte d’arriviste : « Il y a une espèce de culot à oser écrire. […] On ose écrire et dire ce qu’on veut, sans se rendre compte qu’on est peut-être ridicule. De toute façon, on n’a pas la culture pour voir que c’est peut-être risible. On a le culot d’un parvenu, d’un nouveau riche. » Pour Lionel Duroy, la nécessité d’écrire était tellement importante, qu’il a eu le culot de se lancer, sans se demander s’il en avait la légitimité. Il a écrit, malgré sa provenance sociale, malgré les conflits qu’ont provoqués ses livres sur le reste de sa famille, malgré les procès, les colères et les luttes.

Voler du temps

Pour ma part, je considère que l’écriture est aussi chronophage. Le travail ne peut s’approfondir que lorsque le temps est pris. Beaucoup d’écrivains mettent en avant une idée taboue, que je transmets aussi aux participants de mes ateliers : il faut voler du temps. S’inscrire à un atelier d’écriture est une forme d’achat de temps, mais celui-ci ne suffit pas. Le reste de la semaine, l’écriture doit continuer de grandir, de se perfectionner. Alors voler du temps ! A tout le monde : votre employeur (si vous êtes autoentrepreneur, alors volez-vous du temps), votre famille, vos amis, vos passions, vos voyages, vos autres envies. Imposez-vous une période de travail régulière, donnez-vous la contrainte d’un laps de temps où vous ne pourrez quasiment jamais vous dérober. Une chose est sûre : n’attendez pas que les idées viennent pour écrire. L’écriture appelle évidemment un imaginaire, mais surtout : du temps pour travailler (écrire et réécrire encore).

Myriam Thibault, créatrice d’Atelier d’Albion, anime des ateliers d’écriture en ligne et en solo et lit vos manuscrits, à découvrir par ici :