Cette semaine, le Journal d’Albion vous propose d’entrer dans les manuscrits d’Antoine Renand. Scénariste et auteur de thrillers, son dernier roman S’adapter ou mourir vient de paraître aux éditions Robert Laffont . Il nous raconte son processus d’écriture sur feuilles volantes, sa passion pour les romans centrés sur l’humain et les conseils qu’il donnerait à de jeunes auteurs voulant se lancer dans l’écriture d’un thriller. Entretien.
Comment écrivez-vous vos romans ? J’ai cru comprendre que vous n’écriviez pas sur carnets, mais sur des feuilles…
En effet, dans un premier temps, je prends des notes sur des feuilles de papier avant de me lancer, que je classe dans un ordre bien précis dans un classeur. Après, je commence l’écriture du roman, et là j’écris du début à la fin sur des feuilles volantes, que je range dans une grande boîte.
Pourquoi des feuilles volantes ?
Au tout début, j’ai essayé d’écrire sur ordinateur, et je n’aimais pas ce que j’écrivais. L’ordinateur comme le carnet sont trop définitifs pour moi. Quand j’efface une ligne, elle disparaît définitivement. Et ça me bloque. Quand j’écris sur papier, je barre simplement. En relisant, je peux utiliser de nouveau ce que j’avais barré. Ça m’apporte une vraie liberté et une souplesse. Je n’ai pas de fétichisme par rapport au papier et au stylo, je préférerais écrire sur ordinateur. Je vois mes confrères, pour qui c’est beaucoup plus rapide. Moi, j’ai une étape très fastidieuse, qui est de recopier. Ce sont des heures perdues, puisque lorsque je recopie, je ne retravaille pas en même temps, mais c’est à ce prix-là que je suis plus serein dans l’écriture du roman. Malgré tout, j’ai plaisir à prendre un bloc-notes, à écrire avec un stylo. Ça permet aussi d’enlever les distractions de l’ordinateur…
Comment vous organisez-vous pour écrire au quotidien ?
J’ai besoin de silence pour écrire un roman, ce qui est parfois difficile pour l’entourage. J’écris plutôt dans des lieux tranquilles, chez moi, chez mes parents… J’ai essayé d’écrire dans le jardin, mais avec les feuilles volantes, c’est un peu compliqué avec le vent… (Rires) Il me faut de gros cailloux, sinon je cours après mes feuilles.
Et vous imposez-vous des rituels d’écriture ou des contraintes ?
Quand je suis vraiment dans le processus d’écriture, j’essaye d’écrire chaque jour, même le week-end. En ce qui concerne les horaires, je suis assez flexible. Je ne suis pas comme ces auteurs qui se lèvent à 4 heures du matin… J’aime écrire le matin, et mon principal rituel est l’écriture sur papier.
Comment êtes-vous venu au roman et plus précisément au thriller ?
Le thriller est un genre qui me plaît beaucoup, que j’écrivais déjà dans les scénarios. J’ai toujours eu envie d’écrire des romans. Je suis venu au cinéma par l’écriture, par la construction d’histoires. J’ai hésité longtemps, je ne me sentais pas prêt à écrire des romans. Je pense qu’il faut une certaine maturité pour se livrer. J’ai fait plusieurs essais, qui ne fonctionnaient pas. Je n’avais pas encore le rythme interne. Il y a eu un déclic quand j’ai écrit L’Empathie. Quand j’ai eu l’idée de ce roman, c’était une période compliquée au cinéma. Mes films n’arrivaient pas à se faire. On était en plein boom de la comédie, et les thrillers avaient du mal à se réaliser. Quand j’ai eu l’idée de L’Empathie, j’ai su tout de suite que les producteurs n’en voudraient pas, parce que c’est une histoire très sombre, et j’ai senti qu’il y avait l’idée pour écrire un roman : un thriller qui laisse une grande place à l’intériorité des personnages et à leur passé. Je me suis lancé sans aucune certitude. J’ai écrit pendant un an et demi, sans savoir si un éditeur en voudrait.
Et quand vous l’avez envoyé, que s’est-il passé ?
J’ai proposé le manuscrit à beaucoup de maisons d’édition, et à un moment, je me suis retrouvé avec six éditeurs intéressés en même temps, ce qui a permis de créer un cercle vertueux. Puisqu’ils savaient que d’autres éditeurs étaient sur le coup, ça les a confortés dans leur opinion. Mais j’ai aussi eu beaucoup de refus…
Quel est le point de départ de cette envie d’écrire des romans ?
Il y a des romans qui m’ont beaucoup touché. Adolescent, je lisais plus que la plupart de mes amis : des romans policiers, d’autres que me prêtait ma mère. J’ai été très marqué par certains romans, comme La Possibilité d’une île de Michel Houellebecq. C’est l’un des trois chocs artistiques de ma vie. C’est un livre dont les thèmes m’ont chamboulé, et je me suis retrouvé moins seul en le lisant. J’ai aussi été marqué par Agatha Christie, Sa Majesté des mouches de William Golding, Le Parfum de Patrick Süskind, Lolita de Vladimir Nabokov, ou encore L’Été meurtrier de Sébatien Japrisot… Ce sont des livres centrés sur l’humain, qui ont une puissance qu’on ne retrouve pas dans la plupart des films. On entre dans l’histoire, il y a une connexion qui fait la beauté de la littérature.
Pour terminer, quels conseils donneriez-vous aux jeunes auteurs qui voudraient se lancer dans l’écriture de thrillers ?
Je leur conseillerais de penser à leur goût, de lire, de voir ce qui leur plaît, et de travailler. C’est énormément de travail. S’écouter beaucoup sur ce qu’on aime, ne pas être trop influencé, tout en trouvant des lecteurs bienveillants autour de soi. Avant L’Empathie, j’écrivais des histoires depuis quinze ans. C’est quelque chose qu’on apprend au fil du temps, en écrivant.
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