You are currently viewing Lauréat du Concours sur les Premières phrases
  • Post category:Concours
  • Publication publiée :16 février 2021

Le 27 janvier dernier, nous vous proposions un concours lors de notre atelier d’écriture sur le thème des premières phrases. Un grand bravo Raphaël Cipriano, le lauréat du concours, qui a écrit ce très beau texte à partir de la première phrase du Joueur d’échecs de Stefan Zweig : 

Les dés sont jetés ! pensa avec une infinie tristesse l’homme élégant au complet anthracite accoudé à la rambarde. Loin du vacarme, Sol sentait affluer un déluge de chagrin. Ne rien laisser paraître ! 

Il se revoyait débarquant à New York, prêt à conquérir le monde. 

Ils étaient arrivés à deux, jeunes et amoureux, le cœur gonflé d’espérances. 

Le voici, seul, regagnant leur pays natal, les poches cousues d’or et le cœur flétrissant.

Un retour à bord de ce luxueux navire, tous deux en avaient rêvé si souvent. 

D’un appétit juvénile, ils croquèrent la Grosse Pomme mais au final, c’était eux qui furent gobés.

Chacun se démenant pour accomplir son rêve ; lui visait la fortune, elle la célébrité. 

L’un comme l’autre, étape après étape, y parvint. 

Les compagnons d’infortune des débuts devinrent, par la suite, deux inconnus, passagers du train de la réussite. 

Sur les marches du succès, ils s’étaient égarés.

Un ultime moment d’osmose et un constat : l’indifférence supplantait leur amour

Le glas de leur union venait de sonner. 

Pourtant, un soir, au hasard d’une mondanité, un échange de regards, des picotements sur leur corps, un besoin irrésistible de se retrouver, de renouer avec cette intimité charnelle, refuge suave durant de si nombreuses tempêtes. 

Au petit matin, juste l’embarras ponctué d’un aurevoir maladroit.

Sol, lui, avait compris, il ne voulait plus vivre une seule journée sans elle.

Ses appels, ses messages restèrent vains.

De dépit, il organisa son retour en Argentine et fit l’acquisition de deux billets première classe. 

Il lui en fit porter un, accompagné d’un simple « Je t’aime ! ».

Minuit retentit, les amarres étaient larguées.

Désenchanté, le gentleman se décida à regagner sa cabine.

Alors, il l’aperçut, silhouette de sylphide déchirant l’obscurité. 

Elle était là, elle l’avait rejoint !

Aucun mot, ils s’enlacèrent, loin d’imaginer qu’un passager clandestin chamboulerait à jamais leur destin commun.

D’ici moins de neuf mois, pour eux, la vie se conjuguerait à trois. 

On se retrouve dès demain pour un nouvel atelier d’écriture autour de l’exercice J’aime/J’aime pas.