Cette semaine, le Journal d’Albion vous plonge dans les carnets de Nicole Grundlinger. Grande lectrice, elle est aussi une amoureuse des carnets…
Grande lectrice et animatrice du blog Mots pour mots, tu as aussi une passion pour les carnets. D’où vient-elle ?
Il me semble que cela a commencé avec les cahiers d’école. Le plaisir du cahier neuf, vierge, l’attention accordée à la qualité du papier, pour que le stylo glisse joliment, que la plume n’accroche pas. Puis, il y a eu les agendas. Les heures passées à les choisir. Je n’ai jamais pu céder aux modes de la dématérialisation de l’agenda, et je les garde tous. Les carnets sont venus bien plus tard, certainement lorsque j’ai commencé à travailler, dans un but utilitaire mais avec une volonté de personnaliser mes outils de travail.
Quel est ton rapport à l’écriture manuscrite ?
Je crois qu’on peut parler de rapport charnel. C’est une question de sensations. Il n’y a rien de comparable au fait de tracer des lettres sur le papier. Il y quelque chose de viscéral qu’on ne retrouve pas avec un clavier qui agit comme un filtre entre l’esprit et le support qui reçoit la pensée. Je n’arrive à écrire certaines choses qu’à la main. Et par exemple, lorsque j’ai l’idée d’un texte ou d’une nouvelle, je fais toujours une première ébauche à la main, ça me vient plus naturellement. En écrivant à la main, tout compte. L’épaisseur de la bille ou de la plume, l’accroche du papier, la tenue en mains du stylo. J’aime qu’un stylo soit un peu lourd, qu’il fasse corps avec mes doigts et c’est souvent le roller qui a ma préférence. Dernièrement j’ai sauté de joie en retrouvant les ball pentel verts de mon enfance, j’en ai acheté toute une poignée, leur pointe entre le feutre et le roller me réjouit. J’ai plusieurs beaux stylos (des objets que j’adore) mais ce ne sont pas ceux que j’utilise le plus.
Quels rôles jouent tes carnets dans ta vie quotidienne ?
Leurs rôles se sont diversifiés avec le temps. J’ai d’abord utilisé beaucoup de carnets dans ma vie professionnelle, cela me permettait d’avoir toutes mes informations importantes au même endroit, je les classais ensuite par ordre chronologique, et ceci même dans un environnement de plus en plus technologique. J’y notais mes idées (je travaillais dans la communication et il valait mieux en avoir des tonnes…), mes « to do list », les briefs de mes clients… J’en recevais beaucoup aussi. Des cadeaux d’entreprise, siglés. Ils s’empilent dans mon armoire, lorsque je cherche un nouveau carnet, ce n’est jamais la bonne taille, ou le bon papier. Bref, j’en achète toujours d’autres. J’ai des carnets pour mon blog avec des idées de chroniques ou des notes suite à des rencontres avec les auteurs. J’ai un carnet pour les 68 premières fois, un autre pour le suivi des rentrées littéraires avec des citations, des idées fortes notées après mes lectures. Un carnet pour mes travaux de rédactrice. Un carnet dans mon sac, au cas où. Et puis j’ai désormais des cahiers et carnets plus personnels. Moi qui n’ai jamais tenu de journal, j’ai découvert ces dernières années le pouvoir libérateur et consolateur de l’écriture pour soi. Longtemps mes écrits ont été réalisés dans un cadre professionnel, jusqu’à ce que je participe à des ateliers d’écriture qui ont permis de libérer autre chose. Il n’est jamais trop tard on dirait.
As-tu déjà pensé à écrire un roman ?
Oui. Je l’ai même fait. Je voulais voir si moi, la reine de la synthèse, j’étais capable d’écrire au long cours. C’est d’ailleurs parti d’un moment en atelier d’écriture, mes camarades voulaient absolument connaître la suite d’une nouvelle que j’avais écrite. Sur le coup je n’ai pas réussi et puis j’ai fini par trouver le moyen de dépasser la nouvelle pour imaginer une véritable histoire. Une incroyable expérience qui m’a fait toucher du doigt la réalité du travail d’écriture. J’ai donc un roman dans les tiroirs, dont aucun des 5 ou 6 éditeurs à qui je l’ai envoyé n’a voulu mais ce n’est pas le plus important. Pour moi c’était un exercice. Je n’exclus pas de m’y remettre un de ces jours.
Pour finir, peux-tu nous parler de ton livre de chevet ?
Ah… cette question me pose toujours un problème car je n’ai pas de livre de chevet. Je suis d’ailleurs toujours très étonnée et émerveillée de lire les réponses des autres. Les livres se renouvèlent assez rapidement et ce que je cherche en eux évolue avec le temps. Mais il y a pour moi deux catégories de livres marquants : ceux qui suscitent mon admiration, qui mobilisent mes neurones et me donnent à mieux comprendre le monde (par exemple : L’Art de perdre d’Alice Zeniter) et ceux qui touchent à quelque chose de plus intime, qui m’apportent des réponses ou m’accompagnent à un moment précis (par exemple : La seule histoire de Julian Barnes). Parfois, c’est une simple phrase, un passage dans un roman. Un truc qui laisse son empreinte, qui fait écho. Alors je note tout ça dans un carnet.
Retrouver le blog de Nicole Grundlinger et tous ses coups de cœur littéraires : Mots pour mots.
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