Le « continent invisible » est un concept de François Bon, précurseur en matière d’ateliers d’écriture. Tiré des creative writing américains, il donne ce conseil : « Écrire ce qui ne doit pas être écrit est incontournable, du moins pour la narration. » Pour qu’une scène fonctionne, il conseille de faire cet exercice, qui deviendra par la suite un automatisme : imaginer tous les moindres détails d’une scène et n’en sortir que l’essentiel. Si l’auteur sait tout d’une scène, celle-ci n’en sera que plus forte, même sans tous les détails inutiles. C’est un « travail sur des riens », comme le nomme François Bon. Avec cette technique, l’apprenti auteur se familiarise avec son propre imaginaire, ses propres histoires. Cette méthode fait comprendre que pour toucher le lecteur et rendre une histoire la plus vraisemblable possible, il faut en connaître tous les recoins et les détails.
Tout connaître
Imaginer toute la vie des personnages, même les moments qui ne seront pas présents dans le livre donnent une force aux personnages. On en revient également à la notion du « point aveugle » de Javier Cercas : « D’une certaine façon, le mécanisme qui régit les romans du point aveugle est toujours très similaire, sinon identique : dans tous ces romans, sans exception, au début ou en leur centre, se trouve une question, et tous ont pour but de chercher la réponse à cette question centrale. Mais quand cette recherche est terminée, la réponse est qu’il n’y a pas de réponse, c’est-à-dire que la réponse est la recherche même d’une réponse, la question elle-même, le livre lui-même. »
Les points aveugles
Cette méthode permet de créer des zones d’ombre aux personnages et à l’histoire, de créer des points aveugles, et donc une attente du lecteur. Le mystère demeure et provoque une attraction supplémentaire à la lecture. Certains écrivains revendiquent utiliser l’indicible, le sous-entendu, les mystères pour maintenir leur lecteur en haleine. Et lorsque certains éléments restent cachés, comme le fameux « point aveugle », l’histoire n’en est que plus forte et profonde. Cependant, pour réussir ce coup de force qui va provoquer chez le lecteur une réflexion post-lecture, il faut maîtriser le « continent invisible ». Le mystère ne peut être fort que s’il est cohérent avec le reste de l’histoire. Si l’écrivain lui-même ne connaît pas tous les mystères qu’il installe, le roman risque d’être bancal.
L’auteur connaissant tous les ressorts de l’histoire ou du personnage les rend d’autant plus fort. François Bon parle d’ailleurs de « consistance ». Le « continent invisible » et le « point aveugle » s’allie parfaitement ensemble. Il est un travail en amont, à réaliser au moment de la recherche, avant même de se poser la question de la construction du roman.
Atelier d’Albion propose des ateliers d’écriture, animés par Myriam Thibault, à découvrir par ici :