Cette semaine, le Journal d’Albion vous propose d’entrer dans les carnets de l’écrivain et journaliste David Gauthier. Il nous parle de sa passion pour les carnets et l’écriture manuscrite. Son roman Corvidés vient de paraître aux éditions EnVolume. Entretien.
Comment organises-tu ton activité de journaliste et d’écrivain sur carnets ?
J’aime beaucoup écrire sur carnets. J’ai l’habitude pour mes reportages d’écrire dans toutes les situations possibles et imaginables. C’est-à-dire sur un chantier sous la pluie, très bien installé pour une conférence de presse, ou au contraire en prenant des mots à la volée dans un café, ou avec des gens qui parlent très vite. Je suis obligé de mémoriser tout ce qu’on me dit et de le recracher quelques minutes après quand j’ai un peu de temps. L’écriture sur carnet n’est pas anodine. J’ai toujours ma sacoche en bandoulière, même si c’est un peu le cliché du journaliste, avec plusieurs carnets à l’intérieur. Les carnets moins jolis, je les prends pour le boulot, parce qu’ils vont être très utilisés. Pour l’écriture, j’ai des carnets spécifiques et d’autres, plus jolis. J’écris en terrasse de café (quand ils sont ouverts…). Et c’est grâce à des carnets que j’ai eu envie d’écrire mon premier roman. Quand j’étais à la fac de Bordeaux pour mes études, j’écrivais des nouvelles, mais aussi pour des journaux étudiants. J’écrivais très peu sur carnet à l’époque. C’est en me promenant dans une librairie de Reims que je suis tombé sur une colonne avec plein de carnets. J’en ai acheté 3 ou 4 petits de couleur rouge, avec une jolie couverture, qu’on peut trimballer partout. Je me suis posé dans un café, je me suis dit que l’écriture était ce qui me manquait, et ce qu’il me fallait désormais. J’ai emmené tous ces carnets partout avec moi, et je les ai toujours d’ailleurs. Pour mon premier roman, j’ai fait mon apprentissage de romancier avec ces carnets rouges.
Comment es-tu venu à écrire Corvidés ?
L’idée précise d’écrire sur un corbeau m’est venue plus tard, grâce à mon travail de journaliste. Ce que j’aime bien dans le corbeau, c’est cette idée un peu régressive de prendre juste une feuille de papier, d’écrire des choses à la main. Ils font beaucoup de dégâts avec une simple feuille et un stylo. Il n’y a même pas besoin d’aller sur les réseaux sociaux pour harceler. Ceux qui le font n’ont rien inventé. Tout était déjà là. Etonnamment, je ne lisais pas trop de polars, mais plutôt des romans français contemporains, que je piochais à la librairie Mollat à Bordeaux, sans jamais m’intéresser au travail d’écriture en tant que tel. Je me suis rendu compte qu’écrire des nouvelles était facile, mais je n’avais jamais mesuré le travail colossal qu’il fallait pour écrire un roman. Je me suis aperçu au bout de quelques mois de l’ampleur. D’ailleurs, j’ai failli abandonner au bout de six mois.
Mais tu as quand même continué ?
Oui, c’est le moment où j’ai rencontré ma copine. J’étais sur le point d’abandonner. J’avais prévu un voyage depuis longtemps en solitaire en Italie, et je me suis relancé là-bas avec mes carnets rouges. J’étais à Milan, en septembre 2017, ça faisait six mois que le projet avançait tout doucement, et c’est en me posant dans des cafés italiens que je me suis remis à écrire. Le carnet a quelque chose d’un peu magique, parce que lorsque je me pose devant, l’écran ne m’agresse pas, et on a du temps pour s’ennuyer si on accepte de jouer le jeu en coupant les réseaux sociaux et son téléphone. Tu es avec une page blanche, un stylo et tu n’as rien d’autre à faire que d’écrire.
Ton roman, tu l’as vraiment écrit sur tes carnets ou c’était plus de la prise de notes ?
Dans mes carnets, il y a vraiment les deux. On trouve des pages avec des scènes entières, mais aussi des notes à propos du manuscrit en cours d’écriture. Ça peut aussi être trois lignes sur un personnage, ou des points d’étape avec des objectifs à atteindre aux prochaines séances d’écriture. Quand j’ai un carnet, j’ai envie de tout écrire dessus.
Et comment utilises-tu tes carnets dans ton métier de journaliste ? Vois-tu une différence d’utilisation entre tes deux activités ?
Je peux citer une anecdote assez parlante pour les carnets journalistiques, que j’ai d’ailleurs mis dans mon roman. Le narrateur me ressemble et a un usage particulier des carnets. Dans un carnet de journaliste, puisque j’ai la chance de rencontrer beaucoup de monde, il m’arrive de mettre des notes entre crochets sur l’ambiance. Je m’en ressers ensuite pour mes articles. C’est quelque chose que je fais pour les deux formes d’écriture. Par exemple, pour les descriptions de personnages, je prends des petits détails des gens que je rencontre, leur physique, la façon dont ils bougent leurs mains, comment ils parlent…
Pour terminer, peux-tu nous parler du livre qui t’a donné envie d’écrire ?
Beaucoup m’ont donné envie d’écrire, mais surtout Dieu est un pote à moi de Cyril Massarotto. Ça a été un livre de chevet, que j’ai corné dans tous les sens, qui m’a suivi partout. L’auteur a réussi à transmettre beaucoup de choses dans ce livre, c’est à la fois original, émouvant, drôle. Et je m’étais dit que si un jour j’écrivais un livre, j’aimerais réussir à faire quelque chose comme ça, qui paraît simple, qui est facile à lire, qui est original, où tu as l’impression de connaître le narrateur et de pouvoir lui mettre une tape dans le dos. C’est un des livres qui m’a vraiment donné envie d’écrire. Il y a aussi Roald Dahl, que j’ai énormément lu quand j’étais à la fac. Pas du tout pour ses histoires pour enfants, mais pour ses nouvelles pour adultes. Il est moins connu pour ça, mais elles sont incroyables. En vingt pages, il installe une atmosphère, une intrigue incroyable et une vraie tension. Il a énormément d’imagination.
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