Cette semaine, l’écrivaine Virginie Carton a accepté de nous ouvrir les pages de ses carnets. Son nouveau roman Restons bons amants, vient de paraître aux éditions Viviane Hamy. On parle des paradoxes de l’amour, de la prise de notes journalistique, et de la passion pour la papeterie et le papier. Entretien.
Comment allies-tu ton activité d’écrivain et de journaliste dans ton utilisation des carnets ?
Pour le carnet de journaliste, j’en ai plein les poches et les sacs. C’est mon outil quotidien. Ce sont des petits carnets fournis par la rédaction, reliés par le haut, qui tiennent dans ma poche. Je les noircis, je gribouille à toute vitesse. En vingt ans de journalisme, j’ai pris l’habitude d’écrire quasiment en temps réel quand les gens me parlent. C’est presque de la sténographie, j’ai parfois même du mal à me relire. Ma peur est d’en perdre un sur lequel il y aurait un numéro de téléphone indispensable.
Et pour l’écriture ?
C’est beaucoup plus aléatoire, j’ai un rituel, presque une superstition. J’ai pris l’habitude d’écrire sur un carnet Moleskine rouge avec une couverture rigide, sans ligne, en format A4. J’en ai toute une série dans une petite étagère dans ma chambre, avec tous les brouillons de mes précédents romans. J’ai aussi un petit carnet dans mon sac à main, pour les notes qui me viennent. Quand une envie brutale arrive, j’achète un carnet. Ce qui m’arrive souvent dans les gares. Comme si je ne pouvais pas prendre un train sans avoir de quoi noter. Cependant, mon utilisation des carnets d’écriture est un peu synonyme de « je t’aime moi non plus ». Il arrive fréquemment que je m’achète un nouveau Moleskine en me disant que je vais m’y mettre, et il reste à l’abandon pendant des mois, vierge, avant de le prendre d’un coup, et d’avoir envie d’un autre sujet.
Comment organises-tu la création de ton roman sur le carnet ?
En général, quand j’écris un roman, il se travaille dans ma tête pendant plusieurs semaines ou mois. Le sujet m’envahit, jusqu’au moment où il devient obsédant et prend forme. Au bout d’un moment, tout devient concret, et j’ai alors besoin du carnet, de faire un plan, d’inscrire et de figer ce qui se passe dans ma tête. Le passage au carnet est la première phase tangible de l’écriture : jeter les idées, les organiser, avant de devenir un plan de plus en plus propre, avec des noms de chapitres. Et quand je sais où je vais, je lâche le carnet.
Tu as quand même un vrai rapport à l’écriture manuscrite, même dans ton quotidien journalistique.
Je n’ai jamais abandonné l’écriture manuscrite. Jeune, j’écrivais beaucoup de poèmes sur des cahiers que j’ai toujours. Je suis de l’école carnets-crayons, et ça ne me quittera jamais, même si j’écris beaucoup à l’ordinateur aussi. Je vais de l’un à l’autre, et ils sont indissociables. Et même si je n’utilise pas mon carnet, j’ai besoin de l’avoir à côté de moi. C’est psychologique. J’ai un rapport au papier et à la papeterie très fort. Quand je vois une librairie ou une papeterie, je suis attirée, j’ai besoin d’entrer, de sentir, de toucher. J’ai besoin d’acheter des tonnes de carnets, même sans les utiliser, juste pour les collectionner, pour la beauté de l’objet. Ça fait partie de moi, comme une bouffée d’oxygène.
Et que trouve-t-on sur ton bureau ?
Je n’ai pas vraiment de bureau, j’écris le plus souvent sur la table de ma salle à manger. J’ai juste un petit bureau d’appoint dans ma chambre, quand j’ai vraiment besoin de m’isoler. J’ai toujours aimé écrire au milieu de tout, je ne ressens pas le besoin de m’enfermer. Sur la table en chêne sur laquelle je m’installe, j’ai mon ordinateur. Je suis sensible aux matières, je ne pourrai pas être sur une table en plastique. J’ai aussi mon carnet, un stylo, des lunettes, une bougie et une petite plante.
Comment est venue l’idée de ton nouveau roman Restons bons amants (Editions Viviane Hamy) ?
L’idée était d’écrire un roman de femme. Une femme tiraillée entre un amour officiel et un amour officieux, et de voir à quel point les choix ou les non-choix pouvaient mener au bonheur, à la plénitude, ou précipiter à la perte. Peut-on garder deux hommes dans sa vie en sachant qu’on ne peut pas aimer deux hommes en pleine lumière ? Je voulais poser cette question sans faire la morale, juste avec la sincérité d’une femme qui aime et qui ne veut pas avoir l’impression de faire du mal.
Pour terminer, peux-tu nous parler de ton livre de chevet ou d’un livre qui t’a donné envie d’écrire ?
C’est difficile… Sur ma table de chevet, j’ai toujours les Contemplations de Victor Hugo. Ce livre m’a toujours fasciné, mais ce n’est pas lui qui m’a donné envie d’écrire. J’avais beaucoup aimé La Délicatesse de David Foenkinos, un roman qui m’a touché et qui m’a montré que l’on pouvait écrire dans la collection Blanche de Gallimard, tout en étant dans la légèreté, la comédie et la finesse. C’est un livre qui a compté pour moi. Il y a aussi Veuf de Jean-Louis Fournier. Je suis attirée par les écrivains qui ne s’écoutent pas écrire et qui ont envie de parler aux autres, d’échanger et de trouver les mots justes avec des thèmes qui parlent à tous. Je suis plus proche de cette littérature, qui s’écrit comme une lettre qu’on écrit à ses lecteurs.
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