« Nourissier dit que dès que l’on est installé à sa table, on craint et on espère le coup de téléphone : on le craint, parce qu’il va vous déranger, que c’est mauvais pour le travail, mais on l’espère parce que écrire est difficile et qu’on se dit : “Mon Dieu, écartez de moi ce calice.” », relate Jean d’Ormesson à François Sureau. L’écrivain qui n’a aucun autre métier à côté a une liberté absolument totale. Il est maître de son temps, et là peut devenir son principal problème.
Repousser l’angoisse de la page blanche
L’ampleur de la tâche et le temps infini que l’apprenti auteur a devant lui peuvent devenir un trou béant dans lequel il faut éviter d’entrer. Colum McCann associe ce phénomène à l’angoisse de la page blanche et prévient les apprentis auteurs dans son livre qui leur est dédié, Lettres à un jeune auteur (Belfond) : « Que l’angoisse de la page blanche ne te mette pas le cerveau sous blister. La panne d’inspiration est une excuse bien trop facile. Tu dois être à l’heure au travail. T’asseoir et repousser le vide. Reste à ton bureau. Ne quitte pas la pièce. Ne t’occupe pas des factures. Ne fais pas la vaisselle. Oublie les pages sportives. N’ouvre pas le courrier. Ne te laisse divertir d’aucune manière avant d’avoir le sentiment d’avoir vraiment essayé, de t’être vraiment battu. » Colum McCann va jusqu’à soumettre l’idée que ce syndrome ne serait qu’un manque de travail et d’organisation.
Comment écrire ?
L’écrivain Thomas Wolfe écrit dans L’Histoire d’un roman (éditions Sillage) qu’après la parution de son premier roman, il est resté six mois sans écrire. Il s’est alors confronté à l’organisation du temps de l’écrivain : « Comment doit-il écrire ? Combien de temps doit-il consacrer à l’écriture, et à quel rythme faut-il écrire ? Quel genre de méthode éventuelle doit-il suivre dans son travail ? Je me retrouvai soudain nez à nez avec la nécessité peu réjouissante d’un travail constant et quotidien. » Cette question de la procrastination nous amène donc vers un problème simple : si je n’écris pas au quotidien comme une nécessité, ai-je vraiment envie de devenir écrivain ? Qu’est-ce qui me pousse réellement à embrasser cette carrière de l’écriture qui est précaire, difficile, et le plus souvent sous-tendue d’un rêve de gloire utopique ? Pour devenir écrivain, puisque rien ni personne n’impose rien, l’enjeu se trouve sans doute aussi dans la rigueur du quotidien. Comme un salarié qui se rend au travail tous les matins à neuf heures, l’écrivain doit s’imposer une routine.
Myriam Thibault, créatrice d’Atelier d’Albion, anime des ateliers d’écriture en ligne et en solo, à découvrir par ici :